Un peu d'histoire
L’histoire « moderne » de la recherche d’autonomie s’écrit en parallèle de celle du handicap, depuis la notion d’infirmité jusqu’à celle d’autonomie. Elle se développe tout au long du 20ème siècle et ne devient une réalité de réadaptation et une réalité professionnelle que dans la seconde moitié de celui-ci.
Concernant l'orientation et la mobilité :
Des sources documentaires diverses attestent que, depuis l’Antiquité, les personnes vivant avec une déficience visuelle ont mis en place des moyens pour développer leur mobilité et leur orientation : ressources propres, aide humaine, outils divers, aide animale… La limite est sans doute à rechercher dans la proportion de personnes ayant alors pu accéder à une forme d’autonomie. Même si, aux États-Unis, M. LÉVY et le Dr JAVAL posent et décrivent respectivement les éléments de base de la technique de canne longue (1872) et les premiers principes de la technique de guide (1903). La prise en compte sociétale et organisée des besoins de déplacements des personnes ayant une déficience visuelle commence réellement après la première guerre mondiale.
Bien que de nombreux pays s’attribuent sa création, nous nous autorisons ici à affirmer que la canne blanche a été inventée en France, en 1930, par Mme GUILLY d’HERBEMONT afin de permettre aux personnes aveugles de se signaler et d’obtenir de la part des autres usagers l’aide et l’attention nécessaires.
Mme Guilly d’Herbemont remet sa canne blanche à des personnes aveugles lors d’une cérémonie officielle. Source : http://dherbemont.free.fr/french/
De symbole, la canne blanche devient réellement outil après la seconde guerre mondiale :
- en 1950, le Dr HOOVER développe et formalise les premières techniques d’orientation et mobilité au sein d’un hôpital militaire américain. Les choses s’accélèrent alors et la réhabilitation se structure ;
- en 1959, une conférence nationale organisée par la Fédération Américaine des Aveugles réunit des médecins, rééducateurs, psychologues, enseignants spécialisés et pose la définition et les principes de la profession de spécialiste en orientation et mobilité (O&M). Les participants affirment la nécessité de développer ce champ de la réadaptation pour offrir une possibilité d’autonomie à la plus grande part des personnes présentant une déficience visuelle. Ils mettent en avant la nécessité de former, via des sessions d’un an minimum, les spécialistes en O&M. Elles couvriraient les champs suivants : les techniques et stratégies en O&M, l’étude spécifique des comportements humains face à la cécité ou à la malvoyance, les différentes fonctions sensorielles et physiologiques, les aspects psycho-sociaux, environnementaux et culturels liés à la déficience visuelle et aux déplacements. Enfin, ces participants répondent à la question alors très controversée de la situation visuelle des professionnels. En effet, le milieu est alors plutôt convaincu de la pertinence de l’enseignement de l’O&M par des personnes aveugles au nom de l’authenticité de leur vécu sensoriel. Les membres de la conférence expliquent qu’il est au contraire préférable pour des raisons de sécurité et de feed-back dans la pédagogie, que le spécialiste soit une personne voyante. L’enseignement en orientation et mobilité se développe alors rapidement au sein des universités américaines puis se diffuse dans le reste des pays occidentaux.
En France, c’est sous l’influence du Dr CHAMBET, fondatrice du premier centre de rééducation pour adultes à MARLY LE ROI , que la profession apparaît :
- en 1967, une première session de formation d’instructeurs de locomotion est organisée au centre des Ombrages, avec l’intervention de formateurs américains. La seconde aura lieu en 1977. Des formations canadiennes sont aussi mises en place dans d’autres structures ;
- en 1979, des professionnels partent aux Etats-Unis faire une formation de formateurs ;
- en 1980, s’ouvre le 1er organisme français de formation, le Centre Français de Locomotion. Il deviendra l’APAM formation ;
- à partir de 2009, la formation des Instructeurs de Locomotion est assurée par le service Access Formation de la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France.
Cette apparition de la profession en France présente deux caractéristiques historiques :
- sa mise en œuvre s’est essentiellement appuyée sur des structures associatives ;
- la profession a été conçue comme une spécialisation prenant appui sur les métiers de la réadaptation et de l’éducation spécialisée déjà existants.
Elle diffère en cela du modèle américain basé sur la définition d’une filière professionnelle à part entière et d’une filière universitaire dédiée. Le mode d’organisation français a sans doute permis une réponse adaptée aux besoins spécifiques dans notre pays, notamment à ceux du secteur médico-social. Il a également permis l’émergence d’une tonalité particulière dans l’accompagnement en locomotion en France, qui accorde une part importante à ses aspects psychoaffectifs et développementaux mais pose aussi quelques difficultés (reconnaissance, recrutement, financement, formation …).
Face à la nécessité de rassembler les professionnels, les Instructeurs de Locomotion créent en 1978 l’Association des Instructeurs de Locomotion pour personnes Déficientes Visuelles (AILDV), association loi 1901.
Concernant l'autonomie dans la vie journalière (AVJ) :
C’est aux USA, à la fin de la seconde guerre mondiale, que l’on voit émerger en premier la notion d’AVJ pour les personnes déficientes visuelles.
Jusqu’alors, les aveugles étaient formés au braille et avaient une tierce personne pour les aider dans la vie quotidienne. Dans les années 60, les techniques s’affinent et des formations sont proposées.
En France, comme pour la locomotion, c’est au Centre de Rééducation pour déficients visuels de Marly le Roi que des ergothérapeutes exercent en AVJ, à partir de 1963.
Un premier poste en AVJ auprès d’enfants est créé au Centre spécialisé de Lestrade (Toulouse) en 1977, à l’initiative d’Annie LHERBIER, éducatrice spécialisée devenue aveugle, qui élabore les premières techniques en AVJ adaptées aux enfants aveugles.
Au début des années 1980, devant l’émergence de plus en plus affirmée des besoins en autonomie des personnes déficientes visuelles (Loi d’Orientation du 30 juin 1975 et décrets), des professionnels ergothérapeutes et médico-éducatifs se mobilisent pour la mise en place et la diffusion de sensibilisations aux techniques A.V.J. Les principaux acteurs sont Mme LHERBIER, Mme GOULET (Centre Français des Instructeurs en locomotion) et le Dr CHAMBET.
En 1984, les professionnels se regroupent au sein de l’AVJADV, association professionnelle des rééducateurs en Autonomie de la Vie Journalière pour personnes Déficientes Visuelles.
A partir de 1984, plusieurs expériences de formation ont successivement vu le jour avec différentes formules, titres et organismes (l’IREICA, l’ANFE, l’ASEI, la FISAF).
En 2011, la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France (FAF) s’associe avec l’AVJADV pour mettre en place une nouvelle formation d’Instructeur en AVJ. La 9ème promotion en AVJ a terminé sa formation en décembre 2020.
Depuis 2021, les deux professions sont réunies dans une seule et même formation, aboutissant au certificat d’Instructeur pour l’Autonomie des personnes Déficientes Visuelles (IADV). Ce certificat et les certificats issus des formations équivalentes antérieures reconnues dans l’arrêté ministériel sont à présent intégrés au Registre National des Certifications Professionnelles (RNCP) sous le numéro 35524.